Nuit blanche pour merle noir🌃

      La nuit dernière, en proie à une nouvelle insomnie, je tentais d’apprivoiser le silence quand, tout à coup, un chant d’oiseau vint transpercer l’obscurité. Seul dans les ténèbres annéciennes, un petit merle noir se lançait dans un tour de chant à faire pâlir les rossignols.  

      Quoique l’heure fût propice à ruminer les vicissitudes du monde, je m’interrogeai sur le sens de ce concert nocturne. Que pouvait bien raconter ce piaf qui sifflait comme si sa vie en dépendait ?  

Peut-être profitait-il d’une insomnie pour s’affirmer haut et fort… Imaginez ! Une déclaration tout en paillettes : « Eh ! Vous savez quoi ? J’existe ! Oui ! Piu-Piu existe ! Queen of the night, je suis la réincarnation de Whitney Houston ! Le monde m’appartient ! Comment que je vais  kiffer la night ! Oui, cette nuit est MA nuit, MON moment ! Vous avez entendu ? I’m Still Standing ! Â». Elton John en pleine crise d’inspiration…

Peut-être rentrait-il d’une soirée un peu trop festive, d’une virée un peu trop alcoolisée avec ses copines, les chouettes des montagnes alentours. Après avoir descendu des shots de téquila à s’en faire décoller les plumes arrières, il s’était senti suffisamment confiant pour aller jouer la sérénade du pochtron à cette jolie merlette qui niche non loin : « Quand je pense à toooââa, Merlinette, Merlinetteuuu, j’ai la… Â»,

Ou peut-être était-il en pleine crise mystique ; « Oui mes amis, je vous le dis ! Je me suis levé cette nuit et j’ai suivi la lumière ! Écoutez-moi ! Le dieu Pigeon reviendra bientôt voler parmi nous et canardera le chemin de ceux qui le reconnaissent comme leur maître ! Â».

      Qu’importe ses motivations. Pour moi qui n’ose jamais mettre la musique trop fort de peur de déranger les araignées même en plein jour, il y avait une leçon à retenir de cette audace nocturne.

Après tout, il était philosophe, cet oiseau ! Peut-être claironnait-il ainsi au milieu des ténèbres pour rappeler à qui devait l’entendre, l'importance de vivre et d’apprécier le moment présent. Voilà ! Peut-être ce chant était-il simplement un appel à nous réconcilier avec notre agitation intérieure et à embrasser le monde avec calme et simplicité. Et… Et puis, comme il avait commencé, il s’est tu. Tout d’un coup.

   Je m’inquiétai. Que lui était-il arrivé ? Un claquage des cordes vocales ? La merlette l’avait-elle éconduit ? Une illumination ornithologique ?

Je parvins enfin à me rendormir. Au réveil, mon esprit cartésien avait repris le dessus et penchait davantage pour une intervention place nette façon Darmanin pour les J.O. ; une opération discrète, menée à pas de velours par Pol Pot, le chat du quartier qui n’est ni amateur de disco, ni très croyant, ni fin penseur mais qui aime bien la bidoche fraîche et croustillante.

      Sans doute lui aura-t-il réglé son compte à coup de griffes et d’incisives à mon philosophe… C’est ce qui s’appelle un retour brutal à la réalité ! 

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