Une histoire de bûche

Dans la grande saga des traditions familiales, la préparation du repas de Noël occupe une place de choix, juste au-dessus du couscous du dimanche-après-la-piscine, des réunions parents-profs et des vacances en Bretagne.

Chacun y a son rôle attitré, presque comme dans une pièce de théâtre bien rodée.

Mon père est le roi du foie gras maison, mon frère, celui du fumage de saumon. Ma mère a longtemps maîtrisé l’art des fruits déguisés et pour ma part, je suis devenue, année après année, la préposée à la bûche de Noël. Mais pas n’importe quelle bûche ! La fameuse bûche aux marrons et au chocolat de la grand-mère.

Celle-là même dont on oublie toujours où l’on a rangé la recette l’année passée et que l’on cherche désespérément le 24 décembre au matin. Parce qu’on aurait dû s’y mettre la veille mais que la veille, franchement… flemme.

Celle-là même que préparait la mère de ma mère qui l’a transmise à sa fille, qui l’a transmise à sa fille qui la transmettra peut-être un jour à Mini CEO.

Celle-là même que mes amies, charitables, m’ont souvent suggéré de confectionner pour nos fiestas de fin d’année (serait-ce parce que j’étais meilleure en cuisine qu’en discographie ? Hum… Faudrait que je creuse).

Celle-là même qui a pu susciter quelques « C’est kloug ! » dubitatifs voire carrément moqueurs parce que chez nous, on a un peu l’amour vache et le compliment modeste.

Celle-là même que j’entourais de sucre vert juste avant de servir, sous les yeux intrigués de mes anciens collègues parisiens. « Bah quoi ? C’est la mousse ! T’as jamais vu de la mousse sur une bûche ? Ah bah non, c’est vrai, t’as grandi dans le 15ème... Bon, bah tais-toi et mange ! ».

Parce que même si l’aspect n’était pas toujours au rendez-vous (mais assez souvent, quand même et après tout, n’est pas Cédric Grolet qui veut), eh ben, elle était pas mauv… pardon, réflexe bien français de pas donner dans le positif. Elle était pas dégu… Arrr ! Elle déchirait, voilà !

Et facile à faire.

Alors, en exclusivité rien que pour vous, voici la recette de la traditionnelle bûche aux marrons de la Mamie de Gwendo.

Ingrédients :

  • 1 boîte de biscuits à la cuillère

  • 1 grosse boîte de marrons entiers avec leur jus

  • 1 tablette de chocolat à pâtisser,

  • du rhum (à la bistroudinasse)  

Ensuite, comment qu’on y fait ? Rien de plus simple :

  • Tu fais fondre le chocolat

  • Tu mixes les marrons avec leur jus (pareil, le dosage du jus : à la bistroudinasse*) 

  • Tu mélanges le chocolat et les marrons

  • Tu mélanges le rhum avec un peu d’eau (à la bistroudinasse et surtout selon les goûts)

  • Tu donnes un bain de rhum aux biscuits à la cuillère mais pas « trop trop » : faudrait pas qu’ils se délitent.

Ensuite, attention, ça se complique :

  • Tu prends un plat long

  • Tu fais 3 lignes de 3 ou 4 biscuits (3 pour une petite bûche, 4 pour une grande)

  • Tu tartines avec le mélange marrons-chocolat

  • Tu fais 2 lignes de 3 ou 4 biscuits

  • Tu retartines avec le re-mélange marrons-chocolat

  • Tu fais 1 ligne de 3 ou 4 biscuits et tu enrobes le tout avec le mélange qui reste sauf une noisette (tu verras pourquoi plus bas).

Là logiquement tu as donc un « kloug » pyramidal. Sinon, c’est qu’il y a un bretzel dans la tartiflette.

Ensuite, défi artistique : tu prends une fourchette et tu te lances sur un atelier sculpture. Tu traces avec délicatesse et sans trembler des lignes sur toute la longueur du bazar (bah oui parce qu’une bûche ça a des aspérités donc tu imites, tu réinterprètes, tu donnes dans le fac-similé de bûche dans le sous-bois !)

Variante pour les plus forts en thème : tu coupes les extrémités d’un biscuit, tu leur fais prendre un bain, tu les assembles sur le côté de ta pyramide. Et pouf ! voilà un joli nœud dans la bûche que tu recouvres avec la noisette restante du mélange marrons-chocolat.

Enfin, tu balances ta création au frais jusqu’à la dégustation.  

Au moment de servir, alors que toute la famille est autour de la table, gavée de bouchées apéritives, d’huîtres, de foie gras, de verres de vin et autres victuailles qui leur donne suffisamment de lâcher-prise pour s’autoriser un « Oh, non merci, pas de bûche, ça fera trop ! », tu décores, tu joues à fond la carte « esprit de Noël ! », « Il est né le divin enfant ! », « Noël à la Nouvelle Orléans » et tous les autres tubes du chœur des Polysons.

Bref, tu noies ta création sous des champignons en sucre, des feuilles de houx, des petits sapins en plastique, sans oublier un petit Père Noël et son traîneau récupérés sur une bûche glacée 8 ans auparavant.

Tu mélanges du sucre en poudre avec du colorant vert, tu le saupoudres partout autour de l’œuvre d’art et… Tadaaaaaa ! C’est moi qui l’ai fait !

En prenant soin de lancer un œil cruel à celui qui osera préférer une clémentine.

 

* la bistroudinasse est un concept cantalou propre à belle-maman qui suggère que « Bah, c’est pas compliqué, à vue de nez quoi ! ».

 

Voilà pour cette dernière Petite Chronique du Vendredi de cette année 2024.

J’en profite pour vous remercier sincèrement de m’accorder un peu de votre temps chaque semaine, de lire ma prose et de m’envoyer vos commentaires tantôt amusés, tantôt désabusés.

Je vous donne rendez-vous en 2025 avec un nouveau format de newsletter et quelques surprises ! Je vous raconte tout cela d’ici 15 jours.

En attendant, je vous souhaite de passer de bonnes fêtes de fin d’année, de profiter de tous ceux que vous aimez (c’est bateau mais oui ; nos proches peuvent partir trop vite), de rire malgré l’anxiété que nous procure ce vieux monde qui commence à souffrir d’Alzheimer, de continuer à espérer que l’Homme puisse retrouver une forme de bon sens, de dignité qui le pousserait à prendre conscience de sa responsabilité envers la planète, envers les autres et envers lui-même.

Que la magie de Noël vous accompagne !

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