Le vol du moustique - 2ème partie
Toujours l’été ! L’occasion de profiter des heures qui s’étirent dans la douceur de la nuit, de refaire le monde autour d’une bonne bouteille et de quelques bougies à la citronnelle.
On discute, on dégoise, on se contredit, on se vanne, on rigole. Et finalement, au bout d’un moment, on se tait, on se contente d’écouter les autres, on termine son verre et puis, un à un on quitte la table : « envie de lire un peu », « demain on se lève tôt ; c’est jour de marché », « tout ça, c’est plus de mon âge », « les enfants ne nous feront pas de cadeaux aux aurores »…
Voilà… Vous avez passé une bonne journée, le soleil commence à vous donner une jolie teinte caramel. « Tutti va bene », vous vous couchez, l’esprit serein, ivre de tous ces instants de bonheur estivaux et de quatre verres de rosé frais. Quand soudain… Vous l’entendez ? Mais si ! Cette vibration, juste autour de votre oreille gauche… À moins que ce soit au-dessus de votre tête. Ce petit bruissement d’ailes si caractéristique, le bourdonnement aigu et du moustique bien décidé à pourrir votre nuit et votre épiderme !
Vous vous tenez là, immobile, tous les sens en éveil ; à l’affût, tel un chien de chasse qui aurait reniflé le canard sauvage.
Vous n’osez pas réveiller l’autre qui ronfle déjà alors, vous œuvrez dans la pénombre. On guette, on attend, on se prépare et Paf ! on finit par s’infliger des claques et des claques en espérant avoir pulvérisé l’intrus.
L’espace de quelques secondes, plus un bruit. On sourit, satisfait ; la victoire est à nous. On ferme les yeux avec le sentiment du devoir accompli.
Mais, tout à coup, ce petit bruit. Encore. On s’exaspère, on tend l’oreille et on recommence en tâchant encore de respecter un peu le sommeil du voisin. Mais le fourbe sait se faire discret. Vous l’entendez quelque part au loin mais impossible de prévoir d’où viendra l’agression ! Si bien, qu’à bouts de nerfs, on finit par allumer les lumières et à lancer toutes les attaques possibles avec tout ce qui nous tombe sous la main…
Sans penser que l’effet versaillais a attiré encore plus de congénères qui se gaussent de voir ainsi l’être humain dans toute sa vulnérabilité, en tenue d’Eve, sauter sur son lit, l’air hagard et la bave aux coins des lèvres pendant que le voisin de matelas réveillé par ce petit cirque et qui n’attire pas les moustiques – lui –, commence à râler sévère.
Oui, parce que vous êtes son anti-moustique naturel. Parce que lui, il peut se réveiller indemne quand vous, vous décomptez une vingtaine de piqûres plus sadiques les unes que les autres… La piqûre sur le pli de la phalange du gros orteil, ça vous dit quelque chose ?
— C’est parce que tu as la peau sucrée, Chou.
— Chut ! Bouge pas.
— Y en a qui ont envie de dormir ! Les moustiques sont aussi attirés par nos émissions de dioxyde de carbone. Arrête de gigoter, tu respireras moins, Chou.
— Ah ouais ? Bah si tu veux, je peux essayer de m’ouvrir les veines avec les ressorts du matelas. Comme ça ; plus de CO2 ! T’auras la paix !
— Pff… Ouais bah, c’est parce que tu ne dois pas assez te laver. Certaines effluves attirent plus les moustiques que d'autres, notamment la transpiration. Tires-en les conséquences et éteins la lumière, **** de *** !
— C’est fini oui ? Il va se calmer avec ses réflexions ? Sinon, ça va se terminer en homicide volontaire et ça sera pas sur le moustique ! Si tu vois ce que je veux dire, « Chou » !
Allez, je vous abandonne, je vais me tartiner les orteils d’Apaisyl.