L’Être suprême moderne
Ah, mai ! Mois des célébrations : la fête du travail, la victoire du 8 mai 1945, le festival de Cannes, la France sur pause, la terre battue de Roland Garros et… la fête de l’Être suprême moderne, j’ai nommé : Môman !
Ce week-end, nous enfilerons donc notre uniforme d’enfant modèle et comme un clin d’œil aux politiques natalistes d’antan et au réarmement démographique jupitérien, nous rendrons hommage au sens du sacrifice de nos génitrices, ces forces vives de la Nation qui assument toujours deux journées en une pour gagner encore 23 % de moins que nos géniteurs (et avec le sourire s’il vous plaît) !
Petite, j’étais fière de rapporter mon petit présent confectionné en classe quelques jours plus tôt, tout emballé dans son morceau de papier peint. Pot en terre orné de coquillettes et de fleurs séchées, planche à découper peinte, napperon en crochet… Qu’il était difficile de résister à l’envie d’exhiber le soir-même notre création, d’attendre jusqu’au dimanche midi l’heureux moment où l’on pouvait enfin offrir le résultat de nos collages, découpages et autres assemblages à notre Maman chérie, tout en lui récitant notre plus joli compliment de Maurice Carême !
« Il y a plus de fleurs
Pour ma mère, en mon coeur,
Que dans tous les vergers
Plus de merles rieurs
Gnagnagna Gnagnagna Gna… ».
Adolescente, je ne peux plus faire de colliers de pâtes, rapport à ma dignité et à mon développement cognitif embrumé. Alors, on se met d’accord avec le frangin et c’est moi qui décide de lui offrir un joli pull en coton multicolore. C’est bien le coton au printemps, c’est respirant. « Bonne fête Maman chérie ! ». Comment ça, c’est adorable mais ça ne nous fera pas échapper à la dictée dominicale ?! Nous unissons nos forces fraternelles mais rien n’y fait ; la Materfamilias est implacable. J’aurais dû choisir du polyester, tiens !
Adulescente, je ne fais plus dans la dentelle. Depuis Paris, je prends le temps d’appeler le dimanche midi entre deux dossiers ; « Bonne fête Maman chérie ! As-tu bien reçu les fleurs ? Oh, c’est rien, c’est normal ! » Ça me fait penser que mon frangin ne m’a pas toujours pas remboursé sa part…
Adulte avec un enfant, j’ai tout prévu ; les fleurs sont commandées longtemps à l’avance et j’ai prévenu mon père que j’appellerai via WhatsApp à 13 h 00 pétantes ; « Bonne fête Maman chérie ! Comment ça le livreur n’est pas encore passé ? ».
Je vérifie mes messages. P**** de **** de ****, il passera lundi matin. « Tu as déjà reçu celles de mon frère ? » Gnagnagna Gnagnagna Gna… Satanée fête commerciale juste bonne à engraisser les commerçants ! Je peste : et que c’est honteux de pas livrer à l’heure. Et que c’est pas compliqué, pourtant, de livrer un bouquet. Et qu’il n’y a plus de saisons ma bonne dame ! Et puis que, de toute façon, préfère le frangin à moi. Et que… « Quoi ? Oui, Charmant CEO, je râle… » ; deux jours dans l’année en comptant le 8 mars ; ça va, j’ai pas l’impression de pousser l’bouchon !
Quand soudain…
Je le vois descendre l’escalier avec sa petite bouille souriante. Il porte dans ses mains un petit paqué enrubanné dans du papier craft. De sa petite voix timide, il me dit « Bonne fête Maman chérie que j’aime le plus au monde ! ». Puis il prend une grande respiration et me récite son joli compliment de Maurice Carême :
« Il y a plus de fleurs
Pour ma mère, en mon coeur,
Que dans tous les vergers ;
Plus de merles rieurs
Pour ma mère, en mon coeur,
Que dans le monde entier ;
Et bien plus de baisers
Pour ma mère, en mon coeur,
Qu'on en pourrait donner. »
Rohhhh, il est trop chou mon Mini-CEO ! Oublié les impatiences, les matins en retard, les tunnels du soir interminables, les dépassements des bornes des limites de l’impertinence ; mon cœur de maman s’apaise face à tant de mignonnerie.
Donc, pour résumer ; on n’oublie pas la fête des mères dimanche (sauf si on a de bonnes raisons, chacun sa vie après tout) et on se revoit le 16 juin pour la fête des pères !