😎 - Quand l'auteur rate sa cible...
Cet été, sentant que je me laissais doucement aller à la satisfaction du travail accompli perchée sur mon rocher breton, Charmant CEO, ce cartésien viscéral, me tint à peu près ce langage :
— Génialissime parfaite compagne que j’aime et admire*, c’est pas l’tout d’avoir écrit un pavé bien sympathique, maintenant, faut l’vendre !
Et pour finir de me convaincre, ce grand prêtre des métaphores tout azimut ajouta :
— Tu sais, gravir la montagne, c'est pas seulement toucher le toit du monde, faut aussi gérer la descente avec agilité.
En clair, c’est pas l’tout d’avoir pondu l’bousin, encore faut-il donner aux autres l’envie de le lire et donc de l’acheter.
Ah ! Ces contingences matérielles… Soit. Bon. Alors, « comment qu’j’y fais ? » dirait cette amie bourbonnaise qui a flingué mes tympans en 1992 à coup de « j’y dis », « j’y fais », « ça pleut »**.
— Première chose, me dit Charmant CEO, tu dois définir ta cible.
— Hum… Cible en approche à trois heures ! » lançai-je en singeant Jason Bourne.
— Non, pas celle-là, Cruchasse***, ta cible, ton lecteur idéal. Qui est-il ? Que fait-il dans la vie ? Quelles sont ses préoccupations ? Tout ça, quoi !
— Ok ! Mais bon, perso, moi je peux lire de tout ; du Beigbeder comme du Zola alors, tu vois, cette histoire de cible…
— Il faut définir ta cible ! T’es pas Zola, Môdame.
Eh ! L’autre ! Tout de suite…
— Et pourquoi qu'je serai pas Zola, Môssieur ?
— T’en as vendu combien depuis sa publication ?
— … Ok. Bon. Va pour ma cible.
La rentrée est passée et les ventes progressent. Je suis contente, il semblerait que je n’ai pas trop mal défini la cible ; une femme active entre 26 et 54 ans, indépendante, qui aime les voyages, l’humour, la bonne bouffe, sensible aux questions d’égalité homme-femme. Vous avez dit trop large ?
Ce matin, devant le portail de l’école, Stéphanie, une copine m’interpelle :
— Gwendoline, ma grand-mère adore ton roman ! Juste une chose ; elle ne comprend pas le titre.
J’aime beaucoup Stéphanie. Nos enfants sont amis. Comme moi, elle a quitté Paris pour passer en zone libre et elle est de 1981 - grande année comme chacun sait, marquée par l’apparition de J.R. Ewing sur les écrans français.
Euh… Attends, attends ! Y a un truc qui cloche…
— Dis-moi, Stéphanie, elle a quel âge ta mamie ?
— Oh… Elle est pas toute jeune ! 96 ans mais bon pied, bon œil !
— Ok…
— Ça va ?
— Mouais…. Faut que j’te laisse ; nouvelle cible en approche !
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* Parce que je le vaux bien, non ?!
** Paraît qu’on cause pareil en Haute-Savoie…
*** Du grand écart amoureux.