De la justice à sept ans

Enfant de sept ans déguisé en d'Artagnan 

L’autre soir, Mini-CEO en avait gros. Une histoire de croix rouge dont il a écopé « mais que c’était pas de sa faute mais celle de l’autre, là, qui l’embêtait » et pouf ! une croix rouge à côté de ses ronds bleus.

Je le connais ce petit petzouille ; trop timide pour s’exprimer mais vexé comme un pou, il avait dû ruminer son petit malheur toute la journée.

À 17 h 00, j’avais donc devant moi un d’Artagnan en culotte courte animé d’une envie brutale de châtier l’auteur de cette ignoble atteinte à son honorabilité et ce, par des moyens dont l’utilisation recouvrerait sans nul doute une qualification pénale passible de la correctionnelle (au bas mot).

— C’est pas juste ! qu’il lança tandis qu’il me racontait sa mésaventure et que de grosses larmes se décrochaient de ses longs cils pour rebondir sur ses joues à bisous.

 — Allez, ça arrive… T’en fais pas Mini-CEO. Ça ira mieux demain.

 — Mais demain, ça sera toujours pas juste ! qu’il s’entêtait à répéter.

 — Tu as raison Mini-CEO : ce n’est probablement pas juste. Mais tu sais, la vie n’est pas juste. Elle n’a pas à l’être, d’ailleurs. La vie n’est que ce qu’elle est ; une moyenne de 30 000 jours qu’il nous faut traverser de la façon la plus agréable possible… Tu vois Mini-CEO, c’est pour ça qu’on a inventé le rire, la foi ou les fraises Tagada ; pour rendre la vie plus jolie.

 — Oui mais… C’est pas juste ! persistait-il tout en reniflant.

 — Pff... Mais dis-moi, Mini-CEO, vas-tu laisser la pluie te rendre triste ou est-ce que tu vas enfiler tes bottes et sauter dans les flaques ? Ce que je veux te dire, c’est qu’il t’appartient de rendre ta vie supportable, de la sculpter selon tes besoins, tes envies, tes rêves ! Et surtout - surtout ! - de ne pas la subir. Donc ! Donc, la prochaine fois que tu penses que tu ne mérites pas cette infâme croix, Mini-CEO, exprime-toi ! Poliment, gentiment et en levant le doigt, mais exprime-toi !

 Vous me direz, j’ai beau jeu du haut de mes quarante et quelques printemps, de lui enjoindre de se lever contre l’infamie, de déployer ses ailes face à l'injustice, et d’élever sa voix, puissante et libre, cette voix de l’être brisé mais debout, dont la dignité, bien qu’écrasée, brillera toujours dans l'ombre de ses oppresseurs ! Oui ! Que cet enfant transcende sa peine ! Qu’elle se mue en un glorieux chant de révolte ! Qu’armé de son sourire à trous, il devienne le héros des opprimés susceptibles du cours élémentaire !

 Hélas, quand on a sept ans, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Alors bon… y a toujours une autre solution pour se sentir mieux :

 — Allez, viens ma Chipouille, on va faire des crêpes pour le dessert.

 — N’empêche…

 — Oui, je sais, c’est pas juste.

 La persévérance de Gandhi, cet enfant !

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