Ça va, donc ça va pas
Connaissez-vous ce sentiment étrange, cette sensation qui vous empêche de profiter un peu trop des bons moments, cette impression qu’un menhir va vous tomber sur la tête comme pour vous punir de traverser la vie avec une insouciance qui confine à la béatitude ?
Bah, en ce moment, c’est comme ça. Sur le papier, tout va bien ; «ça va», quoi. Le pro ? «ça va» de plus en plus. Mini-CEO ? Rien à signaler : «ça va». L’enfant vit sa vie. Ses devoirs, ses Lego, ses interrogations métaphysiques… Idem du côté de Charmant CEO ; «ça va». Beautiful Company est sur de bons rails. La famille ? «ça va» autant que ça peut. Les amis ? «ça va» ; fidèles au poste (enfin au smartphone, plutôt).
Et pourtant, ce soir, en préparant mes yaourts avec du bon lait frais entier de la ferme de pas très loin (heureuse propriétaire d’une yaourtière depuis 2014) je me fais cette réflexion digne d’une pensée d’un Descartes en carton : «ça va, donc ça va pas»!
Je m’explique. Logiquement, me direz-vous, si «ça va», c’est que tout devrait aller. Et c’est justement là qu’intervient la beauté d’un paradoxe existentiel que ne renierait pas Kafka en essayant de prendre un rendez-vous chez le dermato sur Doctolib :
Si «ça va», c’est que je suis détendue, que je commence à respirer, à profiter d’une douce et sereine routine qui, à mon grand âge, n’est pas pour me déplaire.
Mais, si je suis détendue, c’est forcément parce que j’ai oublié quelque chose, qu’une bombe à retardement est en route direction ma poire, pour exploser, tel un dernier caprice de l’Univers.
Conclusion : si «ça va», ça ne peut pas vraiment aller, parce qu’on sait bien que quelque chose de terrible nous guette. Eh oui ! Si «ça va», c'est qu'on n'a pas encore tout découvert !
Et pour illustrer ce raisonnement aux accents absurdo-existentialistes, prenons l’exemple de ma petite entreprise. Elle implique quelques dossiers, des échéances, un peu d’administratif. Or, si je ne reçois pas de courrier dans ma boîte mail ou dans ma boîte aux lettres depuis un bon moment, c’est probablement parce qu’ «ils» m’ont oublié ou que j’ai mal fait quelque chose (…mais quoi ?).
Si je n’ai pas de problème en vue, c’est donc que le problème est bien caché. Donc si «ça va», c’est que ça ne va pas. Voilà.
Sur ce, je m’en vais relever le courrier du jour.
Tiens, un courrier de l’URSSAF… Bon. Bah voilà.
Au moins, j’ai des yaourts maison. Et ça, «ça va».