Pardon, mais c’est trop bon !

Charmant CEO et moi sommes les fiers parents d’un enfant qui a une consommation assez raisonnée des écrans (oui, on se vante, parfaitement !). Point de télévision sous notre toit, les portables sont rangés dans une boîte passé 21 h 00 et Mini CEO a droit à un dessin animé le mercredi et le samedi. (Non, non, non ! Aucune exception, aucune négociation ! Pour qui nous prenez-vous ? Suffit d’être ferme et de mettre l’enfant face à ses responsabilités, enfin ! Bah tu penses… Bref.)

Mercredi matin, la fée du rangement voletait autour de moi et je décidais donc de lancer une  opération de désencombrement d’un placard aussi ordonné qu’une boutique Zara à la fin du premier jour des soldes.

Après quelques minutes d’exploration, j’exhumai des tréfonds dudit placard, une boîte en carton dont j’avais oublié l’existence. Que pouvait-elle bien contenir ? Des photos, de la paperasse à trier, quelques babioles, vestiges de mon insouciante jeunesse ?

Mon imagination allait bon train lorsque Mini CEO pointa le bout de son nez.

—      C’est quoiiiii ?

—      Je ne sais pas du tout. Peut-être un trésor ! dis-je de ma voix d’animatrice de centre aéré.

—      Ou des Lego ?

—      Hum… non, je crois que tout est là, lançai-je en jetant un œil au chaos de sa chambre toute proche.

J’ouvrai enfin la boîte. Elle contenait deux boîtiers ; l’un marron, l’autre rouge.

—      Ce sont des consoles de jeux ? demanda-t-il avec la voix d’un naufragé qui aurait passé trop de temps à la dérive.

—      Encore mieux, Mini CEO : mon jeu électronique Donkey Kong II double écran, fièrement acquis sur mes deniers personnels au début des années 90 ! Deux piles et ça repart ! Un jour, ajoutai-je pour conclure cette audacieuse présentation, ce jeu sera à toi !

Cette perspective ne l’émut pas plus que ça. Le vintage ne semble pas avoir la cote au sein de la génération alpha. Pff… Génération perdue !

—      Et ça, demanda-t-il en désignant le boîtier rouge ? C’est une Switch ?

—      Non, c’est mieux qu’une Switch, mon bonhomme !

Souvenir. Nous sommes en 2008. Je révise l’examen d’entrée au CRFPA. Trois mois de sueur et de souffrance que je tente d’atténuer par quelques parties de tennis sur mon vieux téléphone portable (Que voulez-vous, à l’époque, on ne scrollait pas encore sans but sur Instagram !).

 Un soir, Charmant CEO me tend son plus beau sourire et un joli paquet enrubanné. Je l’ouvre et découvre une DS  rouge vif ainsi que son jeu, Mario Bross. Coup de foudre, révélation. Entre deux révisions, je détends mon cerveau avec le petit plombier moustachu, le Professeur Layton, Big Brain Academy.

 —      Trop cool ! Mario ! Je peux essayer ? Dis, je peux essayer Mamounette d’amour que j’aime le plus au monde de l’Univers ?

 Mini CEO frétillait comme un poisson fraîchement pêché.  

Me revinrent alors tous les maux liés à une utilisation excessive des écrans  : addiction, retards de langage, troubles du comportement. Si je lui faisais essayer, c’est sûr, Mini CEO se transformerait en zombie analphabète, intolérant à la frustration, violent et, et, et… Un casier judiciaire long comme mon bras. Et voilà, sa vie serait fichue ! Et tout ça, ce serait de ma faute ! Mauvaise mère !

D’ailleurs, maintenant que j’y pensais, c’était peut-être à cause de Mario que j’avais fait cette malheureuse impasse sur la subrogation réelle, celle-là même qui était tombée à l’épreuve de droit des obligations…

—       Alors, j’peux essayer, dis ? Je peux ?

 —      Euh, non. Trop petit. Retourne à tes Lego.  

 —      Pff… Nul… Quand est-ce que je pourrai avoir une Switch ?

 —      Quand tu auras fini de lire Les Derniers Jours de Pompéi !

La soirée passa et alors que Mini CEO et Charmant CEO semblaient bien occupés avec leur partie de Puissance 4, je disparus à pas de loup et m’installai confortablement sur le canapé de mon bureau. À nous deux, Mario !

C’est dingue, je n’avais pas dû toucher à ce truc depuis près de 7 ans (on se demande bien pourquoi) mais la sauvegarde était toujours là, monde 8 et 36 vies. Eh ouais ! C’est qui la cheffe ? Bon, elle avait un peu perdu la main, la cheffe… Plus que 19 vies.

J’étais tellement absorbée par le jeu que je n’entendis pas la porte s’ouvrir. Ce n’est que lorsque retentit la voix scandalisée de Mini CEO que je levai les yeux.

—      Maman !

Et que Mario tomba dans un trou. Plus que 8 vies.

Et qu’un sacré juron tomba de ma bouche.

 —      Naaannn ! ***** de **** de *** !

 Et Charmant CEO de conclure, hilare :

 —      Je te laisse lui réexpliquer pourquoi tu ne veux pas qu’il y joue, Chou !

 —      Gnagnagna gnagnaaaa…

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