Team Jonglage ou Slowlife ?
Petite, j’aimais passer du temps dans mon jardin à essayer de jongler avec des balles de saltimbanque. C’était rigolo et plus simple que le théorème de Thalès ou les identités remarquables du second degré.
J’ai traîné un petit moment cette passion d’intermittente du spectacle si bien que, quelques années plus tard, à l’instar de mes congénères (hyper)actives nées bien après l’invention de l’électroménager de masse, j’avais pris l’habitude de faire plusieurs choses en même temps. Ce n’est pas tant que j’aimais trimer sans relâche mais disons que j’éprouvais un plaisir digne d’une ménagère giscardienne à rayer les éléments de ma to-do list quotidienne.
Constater la preuve de mon efficacité avait le don de me galvaniser. Quelle satisfaction de me dire que j’allais « gagner du temps » (Pour en faire quoi ? Ça…) ! Il n’empêche, telle Wonder Woman en diadème, bustier et culotte bleue étoilée, j’aimais jouer avec les horaires, les dossiers, les contingences domestiques, les séances de sport et les échanges amicaux.
Et pourtant, on le sait bien ; il n’est jamais bon de vouloir faire plusieurs choses en même temps.
Gnagnagnaaaa… Perso, ça fonctionnait ! Même si ce n’était pas toujours « carré-carré ». Petit florilège des combinaisons hasardeuses expérimentées ces trente dernières années :
se brosser les dents tout en essayant d’enfiler un pull à col roulé. Faut pas faire ça ; c’est pas très intelligent. Même que c’est l’interne qui l’a dit.
rédiger un mémoire de fin d’études tout en participant à une battle de caricatures par mails. Envoyer la caricature d’un prof à ma promo et audit prof. Heureusement, c’est à leur magnanimité et à leur humour qu’on reconnait les grands esprits…
rédiger un contrat de cession de droits d’auteur sur une série de photographies tout en envoyant une proposition quelque peu indécente à Charmant CEO et à la copine d’une copine d’une copine. Moralité : toujours penser à purger son répertoire après avoir organisé un enterrement de vie de jeune fille.
décrocher le téléphone pour parler à cette amie tout en passant ses nerfs sur cette **** qui me **** de **** à me faire **** constamment, ***** ! Ou comment apprendre à détricoter les quiproquos.
cuisiner un petit salé aux lentilles tout en m’occupant d’un Mini-CEO tout juste sorti du four. Ou comment découvrir que les lentilles, ça flambent vite et bien. Expérience confirmée quelques semaines plus tard…
négocier un partenariat avec le jeune fondateur d’une start-up tout en confirmant à un collègue et audit jeune fondateur qu’il avait bien un comportement de « petit con arrogant trop couvé par Maman ». Oups ! « Peut-on tout assumer ? » Vous avez trois heures.
Avec du recul, rien qui ne se soit pas arrangé avec un bon service d’urgences, un extincteur ou quelques coups de téléphone efficaces…
Il n’empêche, même si je cherche encore à gagner du temps au quotidien afin de chevaucher des licornes à paillettes jusqu’au bout de la nuit l’esprit léger, j’avoue être devenue petit à petit une adepte de la slowlife (sagesse ou vieillesse ?).
La slowlife, vous connaissez ? Cet art de vivre en ralentissant le rythme quotidien pour apprécier davantage les petites choses de la vie et être plus heureux. En gros, prendre le temps, oublier sa montre et ses chaussures, frôler l’overdose de plénitude en buvant un thé matcha en pleine conscience, sur fond de musique zen et de mantras plus cucul les uns que les autres tirés de Pinterest.
C’est bon quoi ! Pourquoi diable vouloir perdre son âme en chemin ? Euh… peut-être parce que j’ai encore un post à rédiger pour un client, une quiche à préparer pour ce soir avant d’aller récupérer Mini-CEO ? me chuchote une petite voix.
Je la rabroue promptement. Après tout, on le sait, la destination n'est qu'un prétexte. Ce qui compte vraiment, c'est le voyage. Bref ! Je cause, je cause mais… Ouh ! **** de **** ! Y a la quiche qui crame dans le four !
Et vous ? Quels dégâts avez-vous causés en essayant de faire plusieurs choses en même temps ?